Il Ă©tait une fois une entreprise française qui transformait chaque numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone en prospect et chaque e-mail en cible à « valoriser ». Solocal, le nom ne vous dit rien ? Normal. Mais vous les connaissez tous. Câest cette boĂźte derriĂšre les Pages Jaunes, qui vous appelle le mardi Ă 11h42 pour vous vendre du rĂ©fĂ©rencement naturel⊠ou une solution magique pour apparaĂźtre premier sur Google, alors que vous ĂȘtes dĂ©jĂ plombier depuis 20 ans.
Le problĂšme ? Cette stratĂ©gie agressive a outrepassĂ© toutes les rĂšgles de la RGPD, et la CNIL, cette fois, nâa pas rigolĂ©. RĂ©sultat : 900 000 euros dâamende et une injonction salĂ©e. Et nous, chez SecuSlice, on se rĂ©gale.
đ Le crime : consentement ? Quel consentement ?
La CNIL reproche Ă Solocal Marketing Services dâavoir rĂ©alisĂ© des campagnes massives de dĂ©marchage, sans consentement explicite ni traçable.
Comment ont-ils récupéré les données ? Facile :
- Jeux-concours avec cases pré-cochées
- Formulaires flous du style : « Recevez des offres exceptionnelles de nos partenaires » (indice : tous les ĂȘtres vivants sont leurs partenaires)
- Bases rachetĂ©es Ă des courtiers en donnĂ©es qui eux-mĂȘmes les avaient rachetĂ©es à ⊠bref, câĂ©tait un vrai marchĂ© aux puces numĂ©rique.
Et cette donnĂ©e, une fois aspirĂ©e, finissait dans des outils CRM mal verrouillĂ©s, parfois croisĂ©s avec dâautres sources, pour crĂ©er des profils trĂšs dĂ©taillĂ©s. Du ciblage comportemental Ă lâinsu du plein grĂ©.
On vous parlait dĂ©jĂ de cette logique perverse dans notre article sur le Shadow IT : plus une entreprise dĂ©ploie de canaux de donnĂ©es hors contrĂŽle, plus elle devient toxique pour elle-mĂȘme (et pour ses victimes).
𧯠La sanction : 900 000 euros, et une claque réglementaire
La CNIL ne sâest pas contentĂ©e de taper du poing sur la table. Elle a :
- prononcĂ© une amende record pour ce type dâinfraction purement commerciale,
- ordonnĂ© lâarrĂȘt immĂ©diat de ces pratiques,
- assorti cela dâune astreinte de 10 000 âŹ/jour en cas de retard.
Et surtout, elle a nommément dénoncé les techniques employées : données non nettoyées, consentements flous, absence de preuve du « oui » des personnes contactées.
Câest un prĂ©cĂ©dent important : cela montre que mĂȘme une entreprise bien installĂ©e, avec une grosse force commerciale, ne peut plus faire nâimporte quoi avec nos donnĂ©es. Une jurisprudence que beaucoup dâacteurs « old school » vont devoir intĂ©grer.
đ§ Pourquoi câest grave (et techniquement instructif)
DerriÚre le cÎté un peu rigolo de cette sanction, se cache un problÚme fondamental :
- les données personnelles sont utilisées comme du carburant à KPI, sans supervision réelle,
- les systĂšmes de collecte (landing pages, concours, app mobileâŠ) sont souvent mal sĂ©curisĂ©s,
- lâidentification des consentements est un mythe dĂšs lors que les sources se mĂ©langent sans logique de traçabilitĂ©.
Câest lĂ quâon rejoint ce quâon dĂ©veloppe dans nos articles sur les fuites de donnĂ©es : une donnĂ©e mal gĂ©rĂ©e nâest pas seulement un outil marketing douteux, câest une brĂšche ouverte dans votre architecture.
đ Conclusion : Quand le harcĂšlement tĂ©lĂ©phonique devient un risque cyber
Solocal nâa pas Ă©tĂ© piratĂ©. Il sâest piratĂ© lui-mĂȘme, en transformant la donnĂ©e client en arme contre les citoyens. Et ce, sous couvert de performance marketing.
Ce nâest pas seulement une affaire de RGPD. Câest un cas dâĂ©cole de cybersĂ©curitĂ© sociale : quand lâexploitation des donnĂ©es devient abusive, le risque devient global. Rejet de la marque, plaintes, enquĂȘte, perte de confiance, et au final, sanctions.
Moralité : à trop vouloir vendre, on finit par payer.