Darktrace, la star de l’IA en cybersécurité, vient d’annoncer le rachat de Mira Security, un acteur bien plus discret mais redoutablement efficace dans le domaine de la visibilité réseau sur trafic chiffré. Dit comme ça, on dirait une alliance marketing de plus. Mais en creusant un peu, cette acquisition soulève un point crucial : la plupart des menaces d’aujourd’hui sont chiffrées, et beaucoup de solutions de sécurité… regardent ailleurs.
🔐 Chiffrement : la double lame
Le HTTPS est partout. Bonne nouvelle pour la vie privée, mauvaise nouvelle pour les SOC qui veulent jeter un œil aux paquets. En 2025, plus de 92 % du trafic réseau mondial est chiffré. Et les cybercriminels, eux, adorent ça. Exfiltration de données, commandes C2, malware as a service : tout circule gentiment sous TLS.
Alors forcément, les outils de détection traditionnels (IDS, firewalls, proxies) sont souvent aveugles. Les analystes doivent choisir entre :
- Casser le chiffrement (bonjour le RGPD),
- Ignorer le trafic chiffré (bonjour les ransomwares),
- Ou… faire semblant.
🕵️♂️ Mira Security, le spécialiste de la transparence
C’est là que Mira Security entre en scène. Leur approche : inspecter le trafic SSL/TLS sans tout casser. Pas de MitM sauvage, mais des techniques fines :
- Déchiffrement à la volée avec logs contextuels,
- Analyse comportementale basée sur les métadonnées,
- Détection d’anomalies même sans accès au contenu.
Leur techno est notamment utilisée dans des environnements à forte contrainte réglementaire (finance, santé, gouvernements), où la confidentialité est aussi importante que la détection.
Bref : Mira ne joue pas au cowboy, mais connaît très bien les chemins de traverse.
🤖 Darktrace, la boîte noire à IA
Darktrace, de son côté, est un vétéran du marketing IA en cybersécurité. Depuis 2013, la boîte vend du “cyber AI self-learning autonomous response”, ce qui en langage humain veut dire : “notre modèle va détecter un comportement anormal et agir sans vous demander la permission”.
Ce positionnement a autant d’admirateurs que de détracteurs. Certains y voient un game changer, d’autres une boîte noire sur-hypée. Qu’on l’adore ou qu’on l’évite, une chose est sûre : Darktrace sait attirer l’attention.
En rachetant Mira, la société muscle son offre NDR (Network Detection & Response) et pourrait enfin voir ce qui se passe dans les flux TLS, là où son IA restait jusqu’ici en mode “aveugle confiant”.
🧩 Fusion stratégique ou opération marketing ?
Cette acquisition est tout sauf anodine. En croisant les capacités de Mira avec le moteur IA de Darktrace, on peut imaginer :
- Une détection comportementale sur flux chiffrés,
- Un renforcement des capacités XDR (croisement endpoint / réseau / identité),
- Une capacité de réponse automatique sur des signaux auparavant invisibles.
Mais il y a un mais : pour que l’IA soit efficace, encore faut-il qu’elle comprenne ce qu’elle regarde. Et Mira, aussi prometteur soit-il, reste dépendant de certaines limites techniques (positions des appliances, types de certificats, volumes traitables).
🧠 Pourquoi les RSSI doivent suivre cette actu de près
Parce que ce rachat dit une chose : le futur de la cybersécurité passe par l’analyse du trafic chiffré. Pas demain. Maintenant.
Et que les solutions qui ne s’adaptent pas à cette réalité vont tout simplement devenir obsolètes.
Ce mouvement de Darktrace pourrait :
- Inspirer d’autres rachats (saluons les Palo Alto, Fortinet, Crowdstrike… 👀),
- Créer une nouvelle norme de visibilité “confidentialité-compatible”,
- Et surtout, faire évoluer les offres SIEM/SOC vers des modèles hybrides où ce qui était invisible devient analysable.
💬 En résumé
🔹 Chiffrement ≠ invisibilité.
🔹 Mira + Darktrace = visibilité réseau + IA.
🔹 Les RSSI doivent (enfin) intégrer l’analyse des flux TLS dans leur stratégie.
🔹 Ce rachat est un signal faible mais structurant dans l’évolution du marché de la cyberdéfense.
🎯 Le coin SecuSlice – Ce qu’on en pense, sans filtre
On critique souvent les communiqués de presse de cybersécurité pour leur ton pompeux (“réinvention de la sécurité grâce à l’IA quantique full-stack” — on exagère à peine). Mais ici, pour une fois, le fond est à la hauteur du buzz.
Si Darktrace joue bien sa partition, Mira pourrait devenir la brique qui manquait à sa promesse d’IA proactive. Sinon… ce sera une jolie étiquette de plus.
🧠 Bonus – Comment inspecter un flux TLS légalement ?
Inspecter du trafic chiffré, c’est un peu comme lire le courrier d’un collègue : ça peut être justifié… ou totalement illégal.
📜 Que dit la loi ?
En Europe, le RGPD impose que toute inspection de contenu personnel respecte les principes de :
- Finalité légitime (sécurité, conformité),
- Proportionnalité (pas de fouille systématique),
- Transparence (les utilisateurs doivent être informés),
- Minimisation des données (on ne garde pas tout, tout le temps).
🧰 Les options techniques (et leurs implications)
Méthode | Avantages | Risques légaux |
---|---|---|
SSL/TLS interception (MITM) | Visibilité complète du contenu | Risque majeur sur la vie privée, obligation d’information claire |
Déchiffrement à la volée sur appliance (type Mira) | Moins intrusif, ciblé | Acceptable si usage limité et documenté |
Analyse des métadonnées (SNI, JA3, timings, patterns) | Légal et utile | Contenu non accessible, mais détection possible |
Analyse comportementale sans déchiffrement | Respect de la vie privée | Nécessite un moteur IA fiable et des seuils bien calibrés |
✅ Bonnes pratiques :
- Ajoute une charte IT qui précise les modalités d’inspection.
- Informe clairement les utilisateurs (bannières, politique de sécurité).
- Loggue sans stocker inutilement (et pense à anonymiser ce qui peut l’être).
- Mets en place un registre de traitement spécifique dans ton registre RGPD.
🚫 À éviter absolument :
- Intercepter le trafic des utilisateurs sans cadre juridique ou sans les prévenir.
- Inspecter le trafic personnel (webmail, réseaux sociaux) d’un employé sans motif grave.
- Laisser un proxy HTTPS inspecter aveuglément tout ce qui passe, sans distinction.

💬 La sécurité, oui. La surveillance généralisée, non. Inspecter du TLS, c’est possible — mais pas sans règles ni responsabilité.