💡 Cloud Sovereignty Framework : quand Bruxelles découvre le tableur magique de la souveraineté

Le Cloud Sovereignty Framework vient de débarquer : 8 pages, 8 critères, 4 niveaux, un score final.
Un truc lisible sans aspirine, compréhensible par un DSI, un RSSI, voire même par un élu local.
Miracle bureaucratique : la souveraineté numérique devient mesurable.

Ah, l’Europe. Capable de pondre des règlements de 400 pages sur la taille des ampoules LED, mais aussi — parfois — de sortir un document clair, concis et, osons le mot… utile. Oui, tu as bien lu. Pour une fois, Bruxelles a fait simple.


🧮 De la philo numérique au tableau Excel

Depuis des années, on parle de souveraineté comme d’une chimère mystique.
Un concept flou qu’on agite à chaque fois qu’AWS ou Microsoft sort une offre « Sovereign Cloud » avec trois serveurs en Allemagne et un sticker bleu-blanc-rouge sur le portail d’authentification.

Bruxelles a donc décidé de mettre de l’ordre dans tout ça.
Le Cloud Sovereignty Framework, c’est un peu le EBIOS de la souveraineté : une grille d’analyse structurée qui te dit à quel point ton cloud (ou ton SI) dépend des lois, des technologies et des décisions d’autrui.
Le tout sans se noyer dans la sémantique juridique ni dans les schémas PowerPoint à 12 flèches.


⚙️ Les 8 critères de la “maturité souveraine”

Le document propose 8 critères regroupés en 4 grands blocs :

  1. Gouvernance et contrôle – Qui décide, où, et sous quelle juridiction ?
  2. Infrastructure et exploitation – Où sont tes serveurs, qui les administre, qui peut y accéder ?
  3. Protection des données – Quelle loi s’applique, surtout si un procureur américain se réveille avec un mandat Cloud Act ?
  4. Autonomie technologique – Sais-tu changer de prestataire, migrer, ou développer en interne si besoin ?

Chaque critère se note sur 4 niveaux de souveraineté :
du “cloud colonisé” (niveau 1) au “cloud maître de son destin” (niveau 4).
Et à la fin, tu obtiens un Sovereignty Score : ta note sur 20 de la dépendance numérique.

Un rêve pour tout consultant PowerPoint : un KPI de souveraineté.
Tu imagines ? “Notre score souveraineté passe de 13 à 15 grâce à l’installation d’un proxy local”. Champagne.


📊 Simple, efficace… et dangereux pour les vendeurs de bullshit

Ce qui est redoutable dans ce framework, c’est qu’il tue la langue de bois.
Fini les discours creux du genre :

“Notre offre cloud est souveraine car nos serveurs sont situés à Francfort.”

Désormais, il faudra cocher des cases.
Et si ton datacenter est à Francfort mais ton contrat est régi par la loi de Seattle, ton score descend.
Si ton support technique dépend d’une filiale US, encore un malus.
Bref : le marketing ne suffit plus, il faut des preuves.

Et surtout, ce cadre ne s’adresse pas qu’aux mastodontes du cloud :
les DSI publics, les collectivités, les PME peuvent s’en servir dès maintenant pour cartographier leur propre souveraineté numérique.


🖥️ Cas pratique : l’infra « classique mais pas si souveraine »

Prenons un exemple concret — celui d’une entreprise lambda :

  • Serveur Windows local pour les fichiers,
  • Active Directory synchronisé avec Azure AD et Microsoft 365,
  • Serveur Linux local pour l’ERP,
  • Serveur Linux OVHcloud pour les applications web,
  • CDN Cloudflare pour la performance et la protection DDoS.

Sur le papier, ça tient la route : un bon mix entre local, cloud européen et services américains performants.
Voyons ce que ça donne côté Sovereignty Score :

DomaineÉvaluationCommentaire
Gouvernance & Contrôle2/4Les données clés passent par Microsoft, juridiction US. OVH apporte un peu de souveraineté.
Infrastructure & Exploitation3/4Serveurs majoritairement en Europe, mais administration partagée (Azure + Cloudflare).
Protection des données2/4Cloudflare et Microsoft restent soumis au Cloud Act. Aucun cloisonnement juridique européen complet.
Autonomie technologique3/4ERP local et OVH gérables en interne, mais dépendance forte à Microsoft pour les identités et la messagerie.

🔹 Score final : 10/20
Une infrastructure hybride correcte, performante, mais pas souveraine.
Une attaque juridique extra-territoriale ou un changement de politique cloud, et tout s’écroule.

🔸 Note de l’auteur : techniquement, le Cloud Sovereignty Framework ne s’exprime pas en “/20” mais sur 4 niveaux par critère (soit 32 points maximum ou une moyenne sur 4). Le “/20” ici est volontairement symbolique — clin d’œil à notre tradition européenne de tout évaluer comme à l’école. Après tout, si Bruxelles se met à noter la souveraineté, autant sortir les copies doubles. 😏

Moralité : pour passer au-dessus de 15/20, il faudrait :

  • un Azure souverain (quand il existera vraiment),
  • un CDN européen (type Scaleway Edge ou Clever Cloud),
  • et un AD totalement local, ou mieux, un IAM open source comme Keycloak.

🧠 Et maintenant, que fait-on de ce score ?

Eh bien on le mettra dans les tableaux de bord, bien sûr.
Le Sovereignty Score deviendra un indicateur stratégique au même titre que la dispo ou la conformité ISO.
Et bientôt, un critère d’achat public :

“Merci pour votre offre, mais votre souveraineté à 11/20 ne satisfait pas le minimum requis de 14.”

Oui, on y vient.
L’Europe s’apprête à réguler par le tableur.

Mais au fond, ce n’est pas si mal :
👉 un cadre simple, court, pragmatique, utilisable par tous,
👉 une méthode qui valorise la transparence et l’autonomie,
👉 et enfin une vision européenne qui s’assume.

infographie “Sovereignty Score radar”

🧩 Conclusion : Bruxelles, championne du pragmatisme (si, si)

On peut se moquer, bien sûr.
Mais ce Cloud Sovereignty Framework a quelque chose de rafraîchissant :
il rend la souveraineté mesurable, visible et actionnable.
Un outil qui, pour une fois, ne complexifie pas la vie des RSSI, mais les aide à argumenter.

Alors oui, c’est technocratique.
Oui, c’est un peu ironique de transformer la liberté numérique en score sur 20.
Mais dans un monde où tout finit en indicateur, autant que ce soit le nôtre.

Et puis avoue : un Excel européen qui met la souveraineté au même niveau qu’un audit EBIOS,
ça a un petit goût de revanche sur la Silicon Valley, non ?
Et ceux qui me connaissent savent à quel point je reste sceptique sur notre souveraineté :
Le Cloud Souverain Français : rêve bleu-blanc-rouge ou mirage numérique sous drapeau étoilé ?
🌍 Cloud souverain à l’européenne : promesses, poudre aux yeux, et trois gouttes de café tiède
🧠 DNS4EU : Souveraineté numérique ou centralisation sous stéroïdes ?
🎭 Souveraineté numérique : chronique d’un servage annoncé

Et pour aller plus loin : https://commission.europa.eu/document/09579818-64a6-4dd5-9577-446ab6219113_en

💡 Cloud Sovereignty Framework : quand Bruxelles découvre le tableur magique de la souveraineté
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🖋️ Publié sur SecuSlice.com

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