đŸ§» RGPD 2.0 : vers une « simplification » qui fait flipper les DPO

« Moderniser » le RGPD ? Quelle bonne idĂ©e


Bruxelles a encore frappĂ©. Sous couvert de « rĂ©duction de la charge administrative », la Commission europĂ©enne a sorti de son chapeau une rĂ©forme du RGPD en 2024, censĂ©e « soutenir les PME » et « rendre la protection des donnĂ©es plus efficace ». On pourrait applaudir… si les professionnels de la protection des donnĂ©es (notamment les DPO) n’étaient pas en train d’appeler les pompiers.

Ce que la Commission vend comme un RGPD light, certains experts y voient plutĂŽt un retour Ă  la case dĂ©part, une dĂ©rĂ©glementation camouflĂ©e. Autrement dit, un peu comme repeindre un bunker en rose bonbon et dire que c’est plus convivial — sauf que les murs s’écroulent.


đŸ—ïž En quoi consiste cette rĂ©forme ?

La rĂ©forme est portĂ©e par le projet â€œData Act simplification package”, prĂ©sentĂ© en avril 2024. L’objectif affichĂ© : rĂ©duire les contraintes pesant sur les entreprises, notamment les PME, qui seraient « étouffĂ©es » par les obligations RGPD. En pratique, cela se traduit par :

  • La suppression de l’obligation de tenir un registre de traitement pour certaines structures de moins de 250 salariĂ©s.
  • Un assouplissement du rĂŽle du DPO, avec une disparition possible de son obligation de dĂ©signation dans plusieurs cas.
  • La dĂ©responsabilisation en cas de sous-traitance, tant que les traitements sont « non risquĂ©s ».
  • Un abandon du PIA (analyse d’impact) pour un grand nombre de traitements jugĂ©s « standards ».

Et bien sĂ»r, le tout emballĂ© dans un discours façon « l’Europe protĂšge vos donnĂ©es mais sans gĂȘner la croissance » – un peu comme vouloir faire de la cuisine bio avec du glyphosate.


🧹 Les risques soulevĂ©s par les DPO (et ils ont raison de gueuler)

Les DPO (dĂ©lĂ©guĂ©s Ă  la protection des donnĂ©es) ont littĂ©ralement hurlĂ© Ă  la rĂ©gression. Pour eux, cette rĂ©forme Ă©quivaut Ă  :

  1. Ouvrir la porte au laisser-faire : en supprimant les obligations, on mise sur le « bon sens » des entreprises. Spoiler : le bon sens n’est pas conforme ISO 27001.
  2. Complexifier la gouvernance : avec des rĂšgles moins strictes mais plus floues, les interprĂ©tations vont diverger entre pays et entreprises, au mĂ©pris de l’uniformitĂ© europĂ©enne.
  3. Fragiliser les victimes de fuites de donnĂ©es : sans documentation, sans registre, sans DPO, bon courage pour retracer l’origine d’une fuite ou d’un traitement illĂ©gal.
  4. Encourager le Shadow IT : eh oui, si les rÚgles sont light, les outils non référencés ou les pratiques borderline ont une autoroute devant elles.

En rĂ©sumĂ© ? On ne rĂ©duit pas la charge, on l’enterre, et on laisse le champ libre Ă  ceux qui avaient dĂ©jĂ  du mal Ă  respecter le RGPD.


👣 Est-ce un vrai pas en arriùre ?

Oui. Et pas qu’un petit. On parle d’un RGPD qui a mis prĂšs de 6 ans Ă  se faire respecter, oĂč les entreprises ont investi dans des DPO, des registres, des formations
 pour maintenant leur dire : « En fait, on a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© un peu sĂ©vĂšres. Faites Ă  votre sauce. »

C’est un peu comme repeindre le Titanic aprĂšs la collision : un effort cosmĂ©tique pour cacher des failles systĂ©miques. Le plus ironique ? Cette rĂ©forme intervient au moment mĂȘme oĂč l’Europe affiche sa volontĂ© d’ĂȘtre leader mondial en matiĂšre d’éthique numĂ©rique (cf. AI Act, DSA
). Le double discours est palpable.


đŸ•”ïžâ€â™‚ïž Les dĂ©tails Ă  ne pas manquer

  • Le CEPD (ComitĂ© EuropĂ©en de la Protection des DonnĂ©es) a exprimĂ© des « rĂ©serves sĂ©rieuses » sur cette rĂ©forme, mais on lui a gentiment demandĂ© de retourner surveiller les cookies.
  • Certains États membres, dont l’Allemagne et la France, envisagent de conserver des obligations nationales plus strictes, ce qui pourrait casser l’harmonisation europĂ©enne.
  • En parallĂšle, des acteurs privĂ©s poussent pour une certification RGPD allĂ©gĂ©e, voire auto-dĂ©livrĂ©e (ça sent l’arnaque Ă  15 km).
  • Et pendant ce temps, les cyberattaques explosent, les ransomwares se baladent, et les donnĂ©es mĂ©dicales continuent de se vendre sur le dark web. Mais oui, allons-y mollo sur les contrĂŽles.

🧠 En conclusion : simplifier ou saboter ?

On ne peut pas nier qu’un peu de simplification administrative peut ĂȘtre utile. Mais ici, il ne s’agit pas de couper une branche morte : on est en train de sectionner les racines. Si le RGPD devient un simple « guide de bonnes pratiques », on revient Ă  l’ùre prĂ©-2018, oĂč la protection des donnĂ©es reposait sur la bonne volonté  et une confiance aveugle dans des GAFAM au RSA moral.

Alors non, ce n’est pas une rĂ©forme, c’est un « dĂ©-RGPD », et si l’objectif est d’apaiser les PME, il ne faudrait pas qu’il se fasse au prix de la confiance des citoyens europĂ©ens.

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